MerTess savourait le soleil sur sa peau. Le parfum des embruns, le bruit des vagues, le sable filant entre ses doigts… Tout y était. Sauf son homme, évidemment.

Elle se retourna, offrant son dos à la caresse des rayons. Bien que jeune mariée, elle n’en voulait pas à Tony de la laisser seule tous les après-midis. Elle avait insisté pour qu’il s’adonne à son loisir préféré, la plongée. En revanche, elle n’avait aucune envie de l’accompagner : Tess craignait les profondeurs. Cela ne la dérangeait pas de paresser en solo sur la plage, au contraire. Elle pouvait rêvasser à loisir, perdue entre le ciel et l’eau. Et puis, ils se retrouvaient toutes les nuits, ils faisaient ensemble la grasse matinée… Elle aurait aimé, peut-être, qu’ils fassent plus souvent l’amour. Après tout, c’était leur voyage de noces. Mais Tony était fatigué, après ses longues séances de plongée. De toute façon, ils n’avaient jamais été particulièrement passionnés, sur ce plan-là. Ils s’entendaient parfaitement, ils aimaient se câliner, se caresser, mais elle avait depuis longtemps remisé ses fantasmes d’étreintes ardentes. C’était un renoncement, certes, mais le prix à payer ne lui semblait pas trop élevé. Depuis qu’elle vivait avec Tony, Tess avait l’impression d’avoir rencontré son âme sœur, elle qui n’avait jamais cru à ce concept.

Un bruit de remue-ménage à ses côtés la dérangea dans ses rêveries. Elle ouvrit les yeux, fut un instant éblouie par le soleil. Qui s’était installé si près d’elle ? Ce n’était pourtant pas la place qui manquait sur cette plage, il n’y avait pas grand-monde.

Par chance, ce n’était pas un homme. Tess ne supportait pas les dragueurs qui, ignorant consciencieusement son alliance, cherchaient à la persuader que ses vacances ne seraient pas parfaites sans un petit coup vite fait derrière les rochers… La nouvelle venue, aussi blonde et pâle que Tess était brune et bronzée, installa un grand parasol et entreprit de se couvrir de crème. Sans en avoir conscience, Tess se mit à la fixer. Elle était vraiment jolie, avec son corps tout en courbes. Quand elle croisa son regard, l’inconnue se contenta de sourire, mais Tess, rougissante, se détourna.

— Excusez-moi, vous pourriez m’aider ? Je n’arrive pas à mettre la crème dans mon dos… Vous êtes française, non ?

— Comment le savez-vous ? répliqua Tess, surprise. C’est marqué sur ma figure ?

— Non, sur votre roman.

La jolie blonde désigna le polar qui gisait sur un coin de la serviette.

— Ah, évidemment…

— Alors, ce coup de main ? Si ça ne vous dérange pas…

Cela ne la dérangeait pas, mais c’était étrange de toucher la peau de cette jeune femme inconnue, de la masser, en un geste qui évoquait presque une caresse. Tess se dépêcha d’étaler la crème, osant à peine glisser ses doigts sous la ficelle du maillot de bain.

— Merci ! Si je n’en mets pas partout, j’attrape tout de suite un coup de soleil. Au fait, je m’appelle Louise, et vous ?

— Tess.

— Vous êtes en vacances ici ? Toute seule ?

Secouant la tête, elle expliqua la situation, la passion de son mari pour la plongée, et la conversation s’engagea. Rapidement, le trouble de Tess se dissipa et elle se sentit parfaitement à l’aise aux côtés de Louise. Celle-ci aurait dû être accompagnée, mais une rupture récente avait mis à mal ses projets de vacances. Elle avait décidé de venir quand même, d’autant que les billets n’étaient pas remboursables. Et elle ne regrettait pas, l’endroit était si beau !

Peu après, elles allèrent se baigner. Ça ne faisait même pas une heure qu’elles se connaissaient, et elles se tutoyaient déjà. Tess marcha à petits pas parmi les vaguelettes. L’eau n’était pas froide, mais son corps chauffé par le soleil devait s’habituer au changement de température. Louise, elle, fendait l’eau sans hésitation, sa longue silhouette se découpant dans la lumière. Quand elle se laissa glisser entre les vagues, Tess la regarda nager, admirant la souplesse de ses mouvements. Louise ne tarda pas à la rejoindre et se moqua de ses précautions, l’aspergeant copieusement d’eau. Parcourue de frissons, Tess se décida enfin à s’immerger totalement, en partie pour dissimuler ses tétons qui pointaient outrageusement sous les fins triangles de tissu. Elles nagèrent jusqu’aux rochers, là où des bancs de poissons multicolores s’entrecroisaient dans l’eau transparente, avant de retourner vers le rivage.

— Je ne regrette pas d’être venue, s’écria Louise. Je craignais de me morfondre toute seule sur la plage. C’est un vrai coup de bol de t’avoir rencontrée ! D’ailleurs, mon ex n’est pas bonne nageuse, elle ne serait jamais allée jusqu’aux rochers…

Tess crut une seconde avoir mal entendu, avant de comprendre que sa nouvelle amie préférait les femmes. Le trouble qu’elle ressentait depuis un moment s’accrut brusquement. L’avait-elle senti, instinctivement ? Était-ce pour cette raison qu’elle se sentait, comment dire, presque… attirée par Louise ? C’était ridicule, en plein voyage de noces ! Tess se mit à rire.

Elle ne parvint cependant pas à se départir tout à fait de son malaise et quitta la plage plus tôt que la veille. Pourtant, quand Louise lui proposa de la retrouver au même endroit, le lendemain, elle n’eut pas le courage de résister et acquiesça. Qu’aurait-elle pu lui dire ? Qu’elle ne voulait pas fréquenter une lesbienne de peur que l’homosexualité soit contagieuse ?

Ce soir-là, quand Tony rentra, elle l’attendait sur le lit, vêtue d’une lingerie arachnéenne. Elle avait besoin de se prouver quelque chose. Le plaisir qu’elle ressentit quand il la pénétra la rassura.

Elle aimait toujours les hommes.

Pourtant, au lieu d’éteindre son désir, cette étreinte ne fit qu’attiser sa curiosité. Serait-ce différent, dans les bras d’une femme ? Les baisers de Louise seraient-ils plus doux que ceux de Tony ? Que ressentirait-elle, si ses doigts fins s’aventuraient entre ses cuisses ?

Après tout, ce n’était qu’un fantasme. Elle avait le droit de rêver. Ça n’enlevait rien à son amour pour son mari !

Les jours suivants, Tess profita sans vergogne de ses après-midis avec Louise. Peut-être était-elle un peu trop émue lorsque son amie étalait la crème dans son dos, mais personne ne pouvait le deviner. Elles adoraient nager toutes les deux et passaient des heures dans la mer, à se laisser porter par les flots. Puis elles se doraient au soleil – enfin, Tess bronzait tandis que Louise se remettait de la crème, à l’abri de son grand parasol. Elles parlaient de tout et de rien. Louise ne cherchait jamais à profiter de leur complicité pour oser un geste audacieux, une caresse sensuelle ou un baiser au coin des lèvres. Malgré elle, Tess en était venue à espérer cette ambiguïté, elle aurait voulu savoir ce que cela faisait de toucher une femme. Oh, rien de très appuyé, juste du bout des doigts, elle ne voulait pas tromper son mari. D’ailleurs, Tony était ravi qu’elle ait rencontré Louise, il n’avait plus mauvaise conscience en la laissant. « Amuse-toi bien », lui disait-il, et, oui, elle avait envie de s’amuser, de jouer un peu avec le feu avant de s’envoler vers sa vie de femme mariée. Mais les jours filaient comme une poignée de sable entre ses doigts, et Louise ne semblait pas décidée à faire le premier pas. Jamais Tess n’aurait osé lui dire les pensées qui l’agitaient.

Ce fut une vague qui décida pour elles. Une vague un peu trop puissante, inattendue, qui les jeta l’une contre l’autre.

Tess dans les bras de Louise, Louise dans les bras de Tess.

Elle leva les yeux vers son amie, et ses doutes disparurent.

Impatiente, elle embrassa Louise, un long baiser au goût de sel. Elles flottèrent un instant entre deux eaux, poitrine contre poitrine, jambes entremêlées.

Et puis Louise soupira.

— Tu es mariée, Tess. On ne devrait pas faire ça.

— J’en ai envie, répliqua-t-elle.

Ses lèvres effleuraient le cou de Louise. Elle y sema de légers baisers, encore et encore. Le désir lui donnait des ailes. Elle était mariée ? Bah ! De toute façon, c’était le dernier jour. Demain, elle partirait.

Elle tira sur la ficelle qui retenait le haut du maillot de Louise, et ses deux seins apparurent. Ils étaient aussi merveilleux que dans ses fantasmes. Comme dans un rêve, elle se pencha pour aspirer le téton de Louise, le gober, le mordiller.

— Arrête !

Louise avait crié, et Tess s’écarta, surprise.

— On peut nous voir de la plage.

Tess haussa les épaules. On distinguait à peine les silhouettes sur le rivage. Les gens ne pouvaient pas voir grand-chose. Peut-être deviner ?

Louise s’empara de sa main et l’entraîna vers les rochers.

— Ici, murmura-t-elle.

Protégées par les rocs, elles étaient seules au monde. Il n’y avait plus que les vagues, le ciel, et l’infini de l’horizon. Elles s’embrassèrent encore, passionnément. Quelque part entre les baisers, le haut de son bikini avait disparu. Louise lui suçait les seins, elle la touchait, elle la tourmentait. Ses doigts s’étaient infiltrés sous le maillot de bain et ses caresses étaient comme une brûlure. Était-ce le sel ? À son tour, Tess osa s’aventurer entre les cuisses de son amie. Elle sentit son sexe s’ouvrir sous ses doigts, si semblable au sien, et pourtant différent. Le clitoris était là, oui, plus gros que le sien, peut-être ? Elle y traça des cercles, cherchant les prémices du plaisir, et fut récompensée en voyant le visage de Louise changer, tandis qu’un cri étouffé jaillissait de ses lèvres. Elle avait joui, déjà… Si vite.

— J’en avais tellement envie, souffla Louise. J’ai rêvé de toi, Tess.

— Pénètre-moi, s’il te plaît !

Elle avait cru que ce serait moins fort qu’avec un homme, plus doux, mais non, les doigts de Louise étaient comme des griffes, elle la caressait, partout, à l’intérieur, à l’extérieur, et Tess se sentit basculer tandis que les parois de son vagin se contractaient autour des doigts de son amie. Elle n’avait jamais vécu ça, non… Pas comme ça.

Elles restèrent longtemps enlacées, seins contre seins, chevelure mêlées, perdues entre les vagues. Le temps n’avait plus d’importance.

Un sifflement les ramena à la raison. Un nageur les avait vues, il leur adressait un sourire salace. Tess sentit le dégoût s’emparer d’elle. La peur, aussi. Et si Tony apprenait ce qu’elle avait fait ? Car il était impossible de se mentir, elle l’avait bel et bien trompé, elle avait fait l’amour avec Louise, là, dans la mer.

— Ne t’inquiète pas, il n’en saura rien. Rentrons.

Son amie – non, son amante – avait deviné ses pensées. Peut-être était-ce de l’amour… Une seconde âme sœur.

Elles ne retrouvèrent pas le haut du maillot de Tess, qui dut revenir seins nus vers la plage. Elle avait l’impression que tout le monde les regardait, que sa poitrine dénudée et les épaules rougies de Louise les trahissaient. Elles étaient restées trop longtemps dans l’eau, derrière les rochers, enlacées…

Ensuite, il fallut ranger les affaires, se séparer.

— On s’appellera ? demanda Tess, des larmes dans la voix.

— Je ne préfère pas, répliqua Louise. Je n’ai pas envie de me faire encore briser le cœur. Mais je ne t’oublierai pas.

Très doucement, elle embrassa Tess sur la joue.

Chacune retourna vers son hôtel. C’est sous la douche, seulement, que Tess se mit à sangloter. Ses pleurs se mêlèrent au ruissellement chaud de l’eau. Elle sursauta en entendant la porte s’ouvrir. Tony était de retour.

— Je peux te rejoindre sous la douche ?

Depuis le début du séjour, ils se lavaient ensemble très souvent. La douche était si grande, c’était très agréable…

— Oui, répondit Tess, d’une voix un peu étranglée.

— Qu’est-ce qu’il y a ? Ça ne va pas ?

Tess sourit à travers ses larmes. Il la connaissait si bien, il avait tout de suite deviné.

— C’est rien, juste un coup de blues… On part demain.

Il la rejoignit sous l’eau, l’embrassa, et elle lui rendit son baiser, passionnément. Elle voulait, elle avait envie… Là, tout oublier, dans les bras de son mari. Elle se serra contre lui, se frotta contre son grand corps, jusqu’à sentir son érection se réveiller, ce sexe d’homme, si différent du sien, de celui de Louise… Tony la ramena à lui en la soulevant. Il tenta de la pénétrer, mais leurs corps trempés glissaient trop.

— Attends, on va changer de positions, souffla Tess.

Elle se retourna, posant ses deux mains sur la paroi de la douche et lui tendant les fesses pour qu’il la prenne par-derrière. Quand il s’enfonça en elle, un plaisir aigu traversa son corps tout entier. Fugitivement, l’image de Louise valsa derrière ses paupières, avant de disparaître.

— Je t’aime, murmura-t-elle, je t’aime…

***

Tout en regardant les nuages par le hublot, Tony rêvassait. Ces vacances avaient été tellement… uniques. Jamais il n’aurait cru que ça pouvait arriver. Un demi-sourire flottant sur ses lèvres, il se laissa aller à revivre les heures de plongée. Les poissons multicolores, les reflets d’argent de l’eau, la grâce des anémones de mer déployant leurs filaments… et Richard à ses côtés.

Tomber sous le charme du moniteur de plongée, quel cliché ! Tony avait résisté, au début. Il n’avait jamais vécu cela avec un homme. À part, peut-être, quelques expériences sans importance quand il était étudiant. Rien à voir avec ce qu’il avait vécu ces derniers jours. Fermant les yeux, il revit ce moment où Richard l’avait aidé à se débarrasser de sa combinaison de néoprène. La façon dont il l’avait regardé, le dévorant des yeux, avant d’effleurer sa peau, comme par inadvertance.

Le baiser ardent qui avait suivi, un long baiser salé.

Il l’avait pris sans ménagement, contre la porte des vestiaires. Tony sentit son sexe se gonfler à l’évocation de ce souvenir. Gêné, il remua sur son siège. Il était temps de revenir à la réalité. Tess était à ses côtés, ce n’était pas respectueux pour elle.

Cette aventure n’enlevait rien aux sentiments qu’il avait pour elle. Il la chérissait, il la désirait toujours. Évidemment, ce n’était pas comme avec Richard, mais ça n’en était pas moins précieux. Tess restait la seule femme qu’il aimait, sa préférée.

Son âme sœur, aurait-elle dit.

Et, caressant du bout des doigts la main de son épouse, il lui adressa un sourire complice.

2 Thoughts on “L’âme sœur

  1. Yoann Desavia on 4 octobre 2018 at 5:22 said:

    Un bien joli texte tout en douceur, j’ai été agréablement surpris par la chute qui enrichit le scénario et les perspectives :)

  2. Minucien on 30 octobre 2018 at 5:31 said:

    Bonjour Julie,

    J’écris des récits érotiques sur un fantasme bien particulier. Je vous met en lien un de mes récits. La Julie de mon récit n’est pas votre personne. Vous pourrez en feuilletant mon blog, trouver des articles avec des photos de moi en train de réaliser mon fantasme avec des femmes. ça peu paraître hard, mais en fait il n’y a pas de violences ou de blessures. J’y prend un vrai plaisir

    Bonnes salutations

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