La joie de vivre, Matisse, 1906

La joie de vivre, Matisse, 1906

« Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.»

Voici la proposition de Baudelaire à son amoureuse idéale, celle qui peuplera avec lui son rêve d’harmonie. Il déroule pour nous sa vision, la pare de chaudes couleurs, la rend vivante. Le refrain, resté célèbre, inspira une toile de Matisse, jumelle de celle que j’ai choisie pour illustrer cet article.

Quelque chose, pourtant, m’a toujours étonnée : c’est, dans la deuxième strophe, l’absence totale du couple : seul le décor de leur chambre est évoqué, comme si elle était vide.

« Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
Sa douce langue natale. »

Le poète aurait pu, pourtant, dépeindre les étreintes du couple dans ce lieu idéal. Que nenni ! Ici, dans ce poème du rêve, Baudelaire choisit de délaisser le charnel. On voit bien qu’il ne s’adresse pas à sa maîtresse, Jeanne Duval, qui a inspiré ses poèmes les plus érotiques ; l’invitation est inspirée par Marie Daubrun, la femme aux yeux de ciel brouillé, dont on ne sait si, oui ou non, le poète l’a baisée.

Quoi qu’il en soit, je ne puis m’empêcher de ressentir, à la lecture de ce poème, une légère frustration. Mon esprit s’envole et imagine tout ce qui aurait pu se passer dans cette chambre où les parfums se mêlent, où les meubles vous parlent. Je cède donc à la facilité et vous livre ma version des événements, dans ce petit pastiche érotique et parodique.

Ta nudité blonde
Ouverte sur l’onde
Décorerait notre chambre,
Le trou de tes cuisses
Mêlant ses délices
Aux vagues senteurs de l’ambre ;
Les miroirs profonds
Reflétant ton con
Ta douce langue fatale
Tout y sucerait
Mon sexe en secret
Jusqu’au firmament final.

Et vous, qu’imaginez-vous dans cette chambre rêvée ?

Le poème « L’Invitation au voyage » est extrait des Fleurs du mal, recueil paru en 1857 ; vous pouvez lire l’intégralité du poème ici.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Post Navigation