quidenous-deuxJe me suis lancée récemment dans la lecture d’une série de romances érotiques à succès, La Société d’Angela Behelle. Le huitième tome vient de paraître, et j’en ai lu six : malgré quelques invraisemblances, les récits, inventifs et divertissants, m’ont plutôt plu dans l’ensemble, notamment le troisième tome qu’on peut voir comme une réécriture de Pretty Woman en plus épicé. Par conséquent, je ne peux que les conseiller à celles et ceux qui aiment le genre.

 

Cependant, le principe même de cette série me gêne un peu. Je m’explique. La société est une organisation secrète dont font partie les personnages des huit romans, qu’ils soient membres ou salariés de celle-ci. Le principe en est simple : les membres paient chaque année une cotisation au montant exorbitant (mais inconnu du lecteur). En échange, ils peuvent accéder à toute une gamme de services, qu’ils soient d’ordre gastronomique, hôtelier, esthétique, ou, bien entendu, sexuel. Le thème de la prostitution est présent dans les livres ; l’auteure insiste toujours sur le fait qu’elle est volontaire, non subie.

La lecture de ces romans peut néanmoins soulever pas mal de questions, morales ou fiscales entre autres.
Je m’arrêterai à une interrogation qui m’intéresse particulièrement : le sexe est-il meilleur quand on est riche ?

Je n’apprendrai à personne que le milliardaire est une figure prépondérante de la littérature érotique actuelle, du moins celle qui se vend. Il n’y a qu’à voir le succès de Fifty Shades et Beautiful Bastard. Or, ce n’est pas seulement le pouvoir incarné par ces personnages masculins qui fait fantasmer. Il me semble que c’est l’argent lui-même. Comme si une mystérieuse corrélation existait entre la taille du compte en banque et l’intensité des orgasmes.

Les plus modestes doivent-ils se faire baiser par les riches pour mieux jouir ? C’est ce que semble affirmer cette littérature, comme si les classes moyennes en étaient réduites à des relations sexuelles de qualité moyenne, voire médiocre, et je ne puis résister au douteux délice de citer une scène tirée de Pot-Bouille, de Zola, pour vous en donner un exemple.

Il la posséda, entre l’assiette oubliée et le roman, qu’une secousse fit tomber par terre. La porte n’avait pas même été fermée, la solennité de l’escalier montait au milieu du silence. Sur l’oreiller du berceau, Lilitte dormait paisiblement.

Lorsque Marie et Octave se furent relevés, dans le désordre des jupes, ils ne trouvèrent rien à se dire. Elle, machinalement, alla regarder sa fille, ôta l’assiette, puis la reposa. Lui, restait muet, pris du même malaise, tant l’aventure était inattendue.

Si j’aime beaucoup le style de Zola, je dois dire que son déterminisme m’agace parfois. De même que les romances à milliardaire. Je voudrais donc profiter de cet article pour rappeler que le sexe est un des rares plaisirs parfaitement gratuits. Certes, il est sans doute plus facile de s’envoyer en l’air quand on ne croule pas sous les soucis financiers, mais le luxe n’est pas, ne sera jamais, la garantie d’une sexualité épanouissante.

Peut-être la littérature érotique devrait-elle rappeler plus souvent que le plaisir est à portée de tous.

Pour cette raison, je jure solennellement que jamais, jamais, mes héroïnes ne se feront tringler par un milliardaire.

5 Thoughts on “Le sexe à deux vitesses

  1. Ah mince… Une série qui avait attiré ma curiosité et, maintenant, ça me fait déjà moins envie.
    Je tenterai le coup quand même mais je suis totalement allergique aux romances à milliardaire, aussi. Je ne comprends pas, en fait. C’est quoi le rapport entre la marque de la voiture et l’attirance sexuelle ? C’est quoi celui entre la taille de la baraque et l’amour ? Ça me dépasse totalement et ça va jusqu’à m’agacer dans le sens où, généralement, je vois alors l’amour/le sexe présenté comme un remède financier aux problèmes de l’héroïne (parce que c’est toujours l’héroïne qui est pauvre et le héros qui est riche) et des héroïnes qui passent de femmes pouvant avoir du caractère, des envies, une histoire, à des personnes qui, potentiellement, vont devenir des femmes entretenues par leur mec (parce que, finalement, c’est ça, l’idée derrière). Bref, pour moi cette importance qui est donnée à la question de l’argent est en totale opposition avec ce que sont réellement, profondément, le désir pour un être, l’attirance (sexuelle et/ou romantique), et également l’amour. Et, en conséquence, je peine vraiment à y voir la relation érotico-romantique qui est alors censée être le contenu de ces histoires…
    (superbe extrait de Proust, sinon)

    • Je pense que ça vaut quand même le coup que tu essaies, tu te feras une opinion par toi-même. Et puis Angela Behelle ne reprend pas toujours le schéma de la jeune femme pauvre séduite par l’homme riche, c’est plus varié que ça !

  2. je pense qu’il s’agit tout simplement d’un deus ex machina. Pas facile d’imaginer une semaine torride aux Maldives avec le salaire de Raoul employé à la voirie et de Janine, caissière chez Prisunic. Et puis les hôtels, les accessoires, etc tout cela coûte cher;

  3. Il est vrai que le café du pauvre est à la portée de toutes les bourses (excusez-moi pour ce calembour pas très neuf), comme il est vrai qu’un peu d’aisance financière permet sans doute de vivre plus facilement une sexualité plus débridée.
    Je vois l’argent comme une piteuse manière de compenser le manque d’imagination, mais pour beaucoup de personnes, le pouvoir (financier ou autre) reste puissamment érogène.

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