Portrait de Blanche

Portrait de Blanche

Si le narrateur de La recherche est hétérosexuel, Marcel Proust a abordé le thème de l’homosexualité à travers plusieurs personnages de ses romans, notamment M. de Charlus, baron sur le retour.

Au début de Sodome et Gomorrhe, Proust se lance dans une curieuse digression sur la botanique : il s’agit en fait, le lecteur le comprend plus tard, d’évoquer la rencontre de deux homosexuels, « un insecte très rare et une fleur captive », M. de Charlus et Jupien, « L’homme qui n’aime que les vieux messieurs ».

Proust décrit avec minutie cette première rencontre qui permet aux deux hommes de se reconnaître spontanément, alors que nul mot n’a été échangé. S’ensuit une longue scène de voyeurisme (ou plutôt d’écoutisme, si le mot existait). Le narrateur, qui a assisté à la rencontre et veut entendre la conversation des deux hommes, colle son oreille aux cloisons fines de la pièce où se trouvent Charlus et Jupien. Mais ce qu’il va surprendre, ce ne sont pas des paroles, mais des « sons inarticulés » dont le narrateur ne comprend pas tout de suite la nature, et qu’il évoque avec humour :

« Il est vrai que ces sons étaient si violents que, s’ils n’avaient pas été toujours repris un octave plus haut par une plainte parallèle, j’aurais pu croire qu’une personne en égorgeait une autre à côté de moi et qu’ensuite le meurtrier et sa victime ressuscitée prenaient un bain pour effacer les traces du crime. J’en conclus plus tard qu’il y a une chose aussi bruyante que la souffrance, c’est le plaisir. »

Rien n’est dit explicitement, mais tout s’éclaire pour le lecteur (la lectrice) qui relit tout de même le passage une deuxième fois, pour s’assurer d’avoir bien compris ce qui se trame, ou, peut-être, pour le plaisir…

C’est en tout cas un sentiment douloureux qui transparaît dans les paragraphes qui suivent, lorsque le narrateur comprend enfin la nature de M. de Charlus, son homosexualité, et en parle longuement :

« Race sur qui pèse une malédiction et qui doit vivre dans le mensonge et le parjure, puisqu’elle sait tenu pour punissable et honteux, pour inavouable, son désir, ce qui fait pour toute créature la plus grande douceur de vivre ».

On ne peut que saluer le courage de l’écrivain, qui a su exprimer son malaise, fût-ce au travers de personnages secondaires. Car oui, le narrateur tombe amoureux de femmes, Gilberte d’abord, puis Albertine… qui, elle, semble préférer les femmes. Mais je vous parle d’elle bientôt !

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