Eloge-MaratreDoña Lucrecia est belle. C’est ce que pense Don Rigoberto, son époux, en la rejoignant dans leur couche, le soir. C’est ce que pense son beau-fils, le petit Alfonsito, charmé par sa marâtre. Et c’est ce que vous penserez aussi, lecteurs, en lisant cette délicieuse description :

« Elle avait oublié d’enfiler sa robe de chambre, elle était nue sous sa légère chemise de nuit en soie noire et ses formes blanches, pulpeuses, fermes encore, semblaient flotter dans la pénombre entrecoupée par les reflets de la rue. »

Dans ce roman intitulé Éloge de la marâtre, Mario Vargas Llosa décrit les habitants de la maison, jour après jour, avec une attention pour les plus petits détails, les sentiments enfouis, la vie secrète du corps.

Il nous dépeint les ablutions de Don Rigoberto qui, chaque soir, se lave minutieusement, tout en jouissant de sa félicité. Mais, tandis qu’il s’attarde dans la salle de bain, Doña Lucrecia passe de plus en plus de temps auprès d’Alfonsito, qui aime à lui réclamer des baisers. Il est si joli, cet enfant – est-il vraiment si enfant que cela, d’ailleurs ?

De chapitre en chapitre, les voiles tombent.

Mario Vargas Llosa a choisi d’intercaler à son récit des évocations de tableaux qui reflètent l’état d’âme de ses personnages. Sous sa plume poétique, les peintures prennent vie et racontent à leur tour une histoire.

Je ne parlerai que de la première. C’est celle de Candaule, roi de Lydie, fou des fesses de sa femme, la belle Lucrèce. Le roi proposa à son ministre Gygès de se cacher dans la chambre des époux pour admirer Lucrèce dévêtue. Cette charmante légende nous est restée, et a donné son nom au candaulisme. Comme le dit Candaule :

« Je ne suis pas fâché à l’idée que, après que le temps aura passé, engloutissant tout ce qui existe maintenant et m’entoure, pour les générations à venir il ne perdure sur les eaux du naufrage de l’histoire de Lydie, ronde et solaire, printanière et munificente, que la croupe de Lucrèce la reine, ma femme. »

Le roman est publié aux éditions folio ; la traduction est d’Albert Bensoussan.

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