IMG_7711Cet article est une confession. Quand la brise de la polémique parvient jusqu’à ma truffe, je ne peux m’empêcher de la sniffer avec un plaisir coupable. Si débat il y a, par exemple sur les réseaux, je suis tentée d’intervenir, même si je sais que les discussions constructives sont aussi rares que les flocons de neige au Sahara. Parfois, par une résolution héroïque, je m’abstiens. Je me contente alors d’observer la scène, bien planquée derrière mon écran, ce qui ne m’empêche pas de vibrer pour la cause que je défends.

Cette addiction me pousse parfois à lire les commentaires des articles que je sais polémiques. Je me rappelle m’être farcie, au moment du mariage pour tous, des kilomètres de discours haineux. Masochisme ? A propos de l’écriture inclusive, aujourd’hui, je plonge de nouveau, avec plus ou moins de bonheur, dans des bouillonnements de réactions épidermiques…

Et vous ? Aimez-vous la discussion, la dispute ? La trouvez-vous féconde ? Avez-vous l’impression de perdre votre temps quand vous lisez un débat sur internet ? Fuyez-vous comme la peste ces dialogues qui dérapent ?

J’en profite pour vous livrer un texte écrit il y a quelque temps par ma petite sœur, Pauline Derussy, au sujet de ces lectures qu’on aime détester.

Lire pour détester

Que savez-vous du hate-reading ? On ne connaît pas d’équivalent français à cette expression, même s’il me semble que le titre que je vous propose n’est pas si éloigné du sens initial. Pour imiter le dictionnaire, on pourrait inventer une définition en ces termes : le hate-reading est l’action qui consiste à lire un contenu (il peut s’agir d’un livre ou d’un journal papier, mais il faut bien reconnaître que souvent la masse d’écrits mal digérés à portée de clic sur internet s’y prêtent mieux) que l’on déteste ou que l’on prévoit de détester. Difficile à imaginer, pensez-vous ?

En réalité, pas tellement. Dans mon cas et avec mes convictions personnelles et politiques, le hate-reading pourrait consister par exemple à aller lire le dernier pamphlet de Marine Le Pen ou d’Alain Soral sur l’immigration. Je n’ai pas besoin d’aller les lire pour savoir que je ne serai pas d’accord. Il est même tout à fait probable que je trouve les commentaires particulièrement vomitifs.

Un autre exemple, bien plus sournois de par son caractère absolument infini : les commentaires sur internet. Quand je lis un article tout à fait instructif sur l’ouverture de maisons de naissance en France, ou quand je visionne une vidéo bien fichue sur le harcèlement de rue, là tout va bien, je suis dans la recherche d’information. C’est à la fin de l’article, ou une fois le petit curseur rouge de YouTube arrivé à son terme, quand j’actionne compulsivement la roulette de la souris pour atteindre la section commentaires, que tout bascule. Car, bien entendu, je me doute bien des horreurs haineuses que je vais y trouver. Je ne parle pas de commentaires constructifs et documentés qui apporteraient un éclairage différent sur le sujet (franchement ils représentent quel pourcentage de la masse publiée ?). Non, ce que je recherche en cet instant, c’est le bon vieux troll de base, celui qui fait mal au cœur et mal au cerveau parce qu’on ne comprend pas pourquoi c’est toujours les mêmes désinformés malveillants qui l’ouvrent sur la toile.

Mais quel est l’objectif de cet étrange rituel ? C’est là que ça se complique un peu. Au départ, on pourrait se dire que c’est une action à visée uniquement informative. J’ai entendu parler de tel mouvement dont les idées sont dangereuses, je jette un œil sur la page de présentation de leur site pour confirmer ce que j’ai entendu dire. Rien de bien méchant jusque-là, on peut même se dire vertueusement qu’il faut connaître son adversaire pour mieux le combattre, et que l’on pourra ainsi faire partie des lanceurs d’alerte à notre tour. Hors de question bien entendu d’aller critiquer tel ou tel groupe sur des ouï-dire, sans avoir vérifié par moi-même ce qu’il en était.

Oui mais voilà, on s’en tient rarement à la page de garde. Imaginons mon point de départ, un article qui prône de façon plus ou moins déguisée la « suprématie de la race blanche », je pourrais bien m’arrêter là et me dire que le tour de la question a été fait. Qu’y a-t-il à ajouter ? Mais un lien à mi-chemin dans l’article m’entraîne vers un autre site, négationniste à plein régime celui-là. Il me faut à peine un quart d’heure pour avoir douze onglets d’ouverts, avec un panel allant de la tribune contre l’avortement au didacticiel expliquant comme dépecer les bébés lapins encore vivants.

Toutes proportions gardées, je persiste à penser que le hate-reading, s’il est soigneusement maîtrisé et consommé avec grande modération, peut rester une tactique intéressante pour blinder son argumentaire face aux crédules et aux malveillants. Mais même dans ces conditions, cela reste une activité qui fait du mal. Honnêtement, après une bonne séance de hate-reading, disons une heure, une heure et demi, on se sent poisseux. Fatigué. On a des crampes d’estomac et un goût de bile dans la gorge, et je ne parle même pas du mental après avoir été confronté à toute la bêtise et la méchanceté du monde. Après tout, ce n’est pas si différent de l’étrange instinct qui nous pousse à gratter la croûte sur nos petites plaies, même en sachant que la chair est encore à vif en-dessous. Et c’est là que le piège du hate-reading peut se refermer : quand on finit par oublier l’objectif d’origine pour ne garder que le petit plaisir pervers et masochiste de regarder les autres d’en haut, en se disant, « Mais qu’est-ce qu’ils sont cons ». Et de refermer la page internet, des heures plus tard, les yeux tout piquants d’avoir trop regardé l’écran, en se disant que rien ne changera jamais… Et surtout pas grâce à nous.

Pauline Derussy

NB : j’ai choisi une petite chatte pour illustrer cet article. Par pour des raisons polémiques ou existentielles (encore que, appeler une chatte une chatte, c’est important). Non, c’est surtout pour mettre un peu de mignonnitude dans ce monde de brutes. Et puis, j’aime bien prendre des photos de mes chattes, autant que ça serve à quelque chose…

Julie

One Thought on “Polémique, mique, mique…

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